Il y a des matins où la forêt reste silencieuse malgré que nous soyons en pleine saison du brame du cerf. Ce matin là, dès mon arrivée en forêt bien avant les premières lueurs du jour, la forêt était en plaine effervescence avec plusieurs cerfs très actifs.
La connaissance du territoire depuis de nombreuses années et plus particulièrement des chemins et sentiers me permet en fonction de la direction des raires de me rapprocher discrètement de la zone d’activité alors que la nuit est encore bien installée. Plus je me rapprochais de la zone et plus les raires de deux mâles s’intensifiaient. J’accède finalement au petit sentier qui sépare les deux parcelles quand je commence à entendre le choc des bois de cerfs.
Je décide alors de m’arrêter en bordure du sentier contre des fougères et de m’installer rapidement derrière mon matériel tout en plaçant des fougères dessus. Il me reste plus qu’à patienter et espérer surtout qu’un des deux cerfs viennent dans ma direction. Tous mes sens sont en éveil !
Le combat n’aura duré finalement que quelques secondes quand un des deux cerfs décident de remonter le layon en ma direction tout en poussant de puissants raires sur une centaine de mètres. Un grand cerf superbe aux bois très ouverts.
Le spectacle est grandiose et l’émotion à son comble ! Les conditions de lumières sont encore difficiles et il me faut garder mon sang froid pour optimiser tous les réglages du boitier et ainsi espérer saisir cette scène de vie sauvage.

Le printemps est déjà bien installé désormais en forêt. Les bourgeons éclosent et la forêt se pare progressivement de son nouveau manteau. Un vert tendre créant une atmosphère particulière et dès plus photogénique. De nombreuses espèces sont déjà dans leur cycle de reproduction. Le roi de la forêt, le cerf, quant à lui profite de cette période d’abondance en forêt pour la croissance de sa nouvelle ramure. Un phénomène physiologique très exigeant en nourriture puisque la croissance des bois est d’environ 5 cm par semaine.
A midi alors que l’activité humaine est moindre, les cerfs profitent de ce moment de quiétude pour s’alimenter avant de retourner se coucher à l’abris.

La vie d’un cerf n’est pas un long fleuve tranquille. Le cerf, cette espèce toujours aussi mystérieuse et imprévisible, présente une grande plasticité entre individus dans ses déplacements saisonniers. Alors que certains vont vivre sur un nombre très restreint d’hectares, d’autres vont parcourir de longues distances entre le secteur de brame et les secteurs d’hiver de perte des bois et de printemps de repousse des bois. J’ai ainsi eu connaissance de cerfs qui ont parcouru plus de 15 km à vol d’oiseau entre le secteur de brame et d’hiver.
Ces parcours saisonniers sont semés d’embuches entre les infrastructures routières et ferroviaires multiples mais aussi les activités humaines comme la chasse. Le cerf utilise la structure du paysage, des corridors écologiques comme des zones boisées intermittentes, des bosquets pour se déplacer la nuit.
Traverser les années est donc un challenge pour le cerf et il doit jouer de ruses pour éviter ces nombreux obstacles.
Ce cerf présente une morphologie de ses bois très atypiques que je suis désormais depuis 2015. Cette année là, je l’avais découvert avec une boiterie et un bois très particulier. Pour l’anecdote, un de ses bois avait été retrouvé à plus de 12 km à vol d’oiseau de sa place de brame. Depuis, sa ramure s’est ré-équilibrée même s’il reste toujours un dimorphisme … sa boiterie par contre subsiste toujours ce qui l’handicape sérieusement lors du brame et les interactions avec les autres mâles dominants. Ce cerf est devenu très discret au fil des années.

Années 2015 à 2021

Année 2021
Une rencontre naturaliste pour une image documentaire de cerf en velours …
mais regardez bien cette image !

L’intérêt d’une image réside parfois dans le détail ! Ce cerf en repousse de ses bois grignote un bois de cerf tombé au sol il y a quelques semaines. Probablement pour se nourrir des sels minéraux du bois puisque cette période de croissance est très exigeante en nourriture et énergie.
Pour l’anedocte, j’ai remarqué ce détail naturaliste une semaine après avoir pris cette image et pourtant je l’avais post traitée dès le soir même. Une semaine plus tard, me revoilà sur le secteur en espérant retrouver ce bois tombé au sol mais celui ci a dû être déplacé par une autre espèce Homo sapiens !
Quel dommage d’avoir raté ce détail !
A l’heure où la nature s’éveille, les premiers rayons de soleil viennent illuminer la lisière forestière juste avant que ce cerf rejoigne sa remise. Le bon timing pour être au bon endroit au bon moment pour une ambiance éphémère.
