A l’heure où dans les forêts françaises le brame du cerf se termine, l’avenir du plus grand de nos cervidés est en danger dans nos massifs domaniaux. La politique actuelle des dirigeants de l’ONF va dans le sens d’une forte diminution des populations de cervidés. Cette situation pourrait être acceptable si en effet nous étions dans une phase de fort développement des populations. Or il en est rien ! De nombreuses forêts sont déjà sur la liste noire où les naturalistes et même les chasseurs s’inquiètent de cette situation : forêts de Eawy, Halatte, Compiègne, Mormal, Rambouillet, Sillé le Guillaume, Perseigne …. un simple exemple, en forêt de Sillé le Guillaume située en Sarthe, les comptages du printemps dernier ont révélé la présence de 26 grands cervidés sur 3376 ha ! Evidemment ce n’est qu’une estimation mais est ce normal d’arriver à un tel niveau ? Alors pourquoi continuer cette politique ?
Une mauvaise interprétation des chiffres ? Pour cautionner cette politique, l’ONF s’appuie sur une étude menée par le ministère de l’agriculture relatant que les populations de cerfs ont quadruplé durant les 25 dernières années. Or ce chiffre ne reflète pas la réalité de terrain et de nombreux acteurs pourront le confirmer aisément. L’expansion du cerf s’est accrue en 25 ans en colonisant de nouveaux territoires et il est possible que localement certaines populations se soient donc fortement développées mais est ce la réalité sur l’ensemble des massifs domaniaux ? Chaque massif est un cas particulier et nécessite donc la mise en place d’une réflexion locale adaptée ! Par contre ce qui est certain c’est que le nombre de cerfs déclarés tuées a été multiplié par 4 durant les 20 dernières années (9358 en 1984-1985 contre 39721 en 2004-2005 selon les sources de l’article publié dans la revue « Connaissance de la chasse, mai 2015). Or un accroissement du nombre de cerfs prélevés ne signifie pas forcément que le nombre d’animaux a augmenté ! Bien au contraire puisque depuis plusieurs années, nous voyons les populations décroitre localement !
La peur de voir exploser les populations ? Cela n’a aucun sens puisque dans la majorité des massifs des comptages sont réalisés au printemps et avec un faible taux de reproduction de 1 faon par an (fort différent de celui des sangliers), cela semble difficile de se retrouver dans cette situation du jour au lendemain !
Des pressions économiques ? L’ONF rencontre des difficultés financières et doit rétablir l’équilibre de ses comptes. Il faut donc accroitre la rentabilité des forêts ! D’ailleurs les coupes forestières s’accélèrent ces dernières années laissant place à de grandes surfaces de régénération. Alors pourquoi faire des aménagements sur ces zones de régénérations pour limiter l’impact de la faune (protection ou création de prairies qui représentent un coût) si on peut mettre en place une solution plus simple et radicale ? En 2012 lors d’un échange avec un agent forestier de l’ONF sur Bercé, celui-ci me disait qu’il n’y avait plus de dégâts significatifs sur la régénération forestière … et pourtant on continue à appliquer cette politique … le nombre de biches à prélever ne cesse d’augmenter ! Comme si la décision était prise dans les bureaux sans tenir compte de la réalité du terrain …. Sommes nous dans une société de tolérance zéro guidée uniquement par les enjeux financiers ? …. malheureusement oui !
Sachez également que la loi d’avenir agricole de septembre 2014 soumet dorénavant la gestion du grand gibier aux intérêts financiers sylvicoles. La porte est donc grande ouverte pour poursuivre cette politique dévastatrice !
Les dégâts sur les cultures ? Il est également souvent évoqué comme argument à cette politique les dégâts sur les cultures avoisinantes aux forêts. Il est impossible de nier que localement il puisse y avoir des dégâts sur les cultures. D’ailleurs un système d’indemnisation est mis en place pour cela. Là aussi, il est étonnant d’entendre un responsable de la gestion du cerf sur Bercé indiquer que 75% des dégâts sont attribués aux sangliers ! Dans ce cas, pourquoi poursuivre cette politique sur le cerf ? Pour diminuer les impacts sur les cultures, pourquoi ne pas mettre en place des systèmes de protection adaptés (qui existent déjà en théorie mais souvent non installés) et surtout pourquoi ne pas déjà arrêter de nourrir artificiellement les sangliers ?
Une biodiversité forestière en péril ! Rien de nouveau à cela malheureusement ! Le cerf n’est qu’une n ième espèce qui s’ajoute à la longue liste. Evidemment cette espèce ne va pas disparaitre du territoire mais doit on se satisfaire pour autant de cette situation ? Le cerf appartient à la biodiversité forestière et participe également au fonctionnement de cet écosystème. La biodiversité ne doit pas se cantonner à des réserves naturelles ou au bout du monde. La biodiversité est partout et surtout à nos portes ! La biodiversité n’a pas de valeur marchande et c’est bien là le problème. Rien ne nous oblige à la conserver si ce n’est une obligation morale de transmettre aux générations futures ce patrimoine naturel.
Comme le souligne Guy Bonnet, spécialiste du cerf en France, dans un plaidoyer pour le cerf … le cerf est RES NULLIUS … c’est à dire qu’il appartient à personne et aucune catégorie d’intérêts ne peut décider seule de son avenir !
Je vous invite vivement à lire le sujet « Cerf : réelles menaces » publié dans connaissance de la chasse (mai 2015) – échanges entre Guy Bonnet et un haut responsable de l’ONF.