Ce matin là, à 9h, la forêt avait retrouvé son calme après l’effervescence de la nuit. Les cerfs étaient déjà remisés et seuls quelques légers raires retentissaient de temps en temps dans la remise voisine. Soudain vers 9h15, un puissant et bref raire est poussé par un cerf à quelques centaines de mètre dans la parcelle voisine. Quelques instants plus tard, le cerf surgit motivé et prend la direction de la remise. Le cerf remisé vient immédiatement à son contact et les deux protagonistes sortent de la remise pour une marche parallèle. Les deux cerfs se jaugent alors. Le maître des lieux poussent alors un dernier raire comme un dernier avertissement. Personne ne veut céder. Le combat devient désormais inéluctable ! Pendant près d’une heure, les deux cerfs vont se tester, s’affronter à plusieurs reprises lors de brèves joutes.
Etre témoin d’une telle scène de vie sauvage avec des animaux libres et sauvages reste un privilège pour un naturaliste …
Septembre pointe son nez … les grands cerfs jusqu’ici dès plus discrets rejoignent les places de brame pour le rituel de la reproduction. Les raires commencent à retentir en forêt … des cris rauques pour marquer leur territoire et fort probablement stimuler les biches à entrer en oestrus. Plus question de copinage entre eux, les clans du printemps ont explosé et la compétition est rude pour conquérir les biches et se reproduire.
Depuis quelques années maintenant, je privilégie les ambiances forestières pour tenter d’immortaliser ces instants de vie sauvage. Ce cerf est libre et sauvage.
Il y a des matins où la forêt reste silencieuse malgré que nous soyons en pleine saison du brame du cerf. Ce matin là, dès mon arrivée en forêt bien avant les premières lueurs du jour, la forêt était en plaine effervescence avec plusieurs cerfs très actifs.
La connaissance du territoire depuis de nombreuses années et plus particulièrement des chemins et sentiers me permet en fonction de la direction des raires de me rapprocher discrètement de la zone d’activité alors que la nuit est encore bien installée. Plus je me rapprochais de la zone et plus les raires de deux mâles s’intensifiaient. J’accède finalement au petit sentier qui sépare les deux parcelles quand je commence à entendre le choc des bois de cerfs.
Je décide alors de m’arrêter en bordure du sentier contre des fougères et de m’installer rapidement derrière mon matériel tout en plaçant des fougères dessus. Il me reste plus qu’à patienter et espérer surtout qu’un des deux cerfs viennent dans ma direction. Tous mes sens sont en éveil !
Le combat n’aura duré finalement que quelques secondes quand un des deux cerfs décident de remonter le layon en ma direction tout en poussant de puissants raires sur une centaine de mètres. Un grand cerf superbe aux bois très ouverts.
Le spectacle est grandiose et l’émotion à son comble ! Les conditions de lumières sont encore difficiles et il me faut garder mon sang froid pour optimiser tous les réglages du boitier et ainsi espérer saisir cette scène de vie sauvage.
La vie d’un cerf n’est pas un long fleuve tranquille. Le cerf, cette espèce toujours aussi mystérieuse et imprévisible, présente une grande plasticité entre individus dans ses déplacements saisonniers. Alors que certains vont vivre sur un nombre très restreint d’hectares, d’autres vont parcourir de longues distances entre le secteur de brame et les secteurs d’hiver de perte des bois et de printemps de repousse des bois. J’ai ainsi eu connaissance de cerfs qui ont parcouru plus de 15 km à vol d’oiseau entre le secteur de brame et d’hiver.
Ces parcours saisonniers sont semés d’embuches entre les infrastructures routières et ferroviaires multiples mais aussi les activités humaines comme la chasse. Le cerf utilise la structure du paysage, des corridors écologiques comme des zones boisées intermittentes, des bosquets pour se déplacer la nuit.
Traverser les années est donc un challenge pour le cerf et il doit jouer de ruses pour éviter ces nombreux obstacles.
Ce cerf présente une morphologie de ses bois très atypiques que je suis désormais depuis 2015. Cette année là, je l’avais découvert avec une boiterie et un bois très particulier. Pour l’anecdote, un de ses bois avait été retrouvé à plus de 12 km à vol d’oiseau de sa place de brame. Depuis, sa ramure s’est ré-équilibrée même s’il reste toujours un dimorphisme … sa boiterie par contre subsiste toujours ce qui l’handicape sérieusement lors du brame et les interactions avec les autres mâles dominants. Ce cerf est devenu très discret au fil des années.
Années 2015 à 2021
Année 2021
La nuit vient de tomber quand, sur le chemin du retour, une silhouette se dessine dans le ciel en feu … une apparition féerique …